Des Berlinois veulent municipaliser l’électricité

Un mouvement citoyen veut recueillir 200.000 signatures d'ici à lundi pour remunicipaliser le réseau électrique de la capitale.

Plus que cinq jours. Lundi soir à minuit, les Berlinois sauront s'ils auront la possibilité de reprendre le contrôle du réseau électrique actuellement géré par le groupe suédois Vattenfall. Une initiative citoyenne, Berliner Energietisch, collecte des signatures depuis quatre mois dans les rues de la capitale allemande pour imposer un référendum qui aurait lieu le jour des élections générales, le 22 septembre. Le mouvement, soutenu par une cinquantaine d'associations caritatives ou écologiques, connaît un réel succès. Hier, il avait recueilli 163.046 signatures. Il en a besoin de 200.000 pour imposer la consultation citoyenne. «  Ce sera serré, mais c'est possible », estime Lilian Leupold, une militante.

L'objectif est multiple. Il consiste d'abord à municipaliser un réseau qui est géré depuis bientôt vingt ans par une entreprise privée et dont la concession expire l'année prochaine. Mais, pour ses initiateurs, la reprise par la ville du système électrique ne serait qu'une étape. Ils veulent ensuite créer une régie municipale, qui puisse fournir aux habitants de l'électricité essentiellement verte et provenant du Land voisin de Brandebourg. Le tout contrôlé par le peuple. Si elle se concrétise, l'opération aura un coût, que les initiateurs chiffrent autour de 400 millions d'euros et que Vattenfall – qui veut conserver la concession – estime plutôt autour de 3 milliards. Un pari audacieux pour une ville déjà massivement endettée…

Berlin n'est pas seule à connaître ce genre de mouvement. A Hambourg, une initiative a déjà obtenu les signatures nécessaires pour imposer une consultation citoyenne, qui aura lieu le 22 septembre. D'autres villes sont déjà passées à l'action, dont Stuttgart.

Selon la Fédération des entreprises communales (VKU), plus de 70 régies énergétiques municipales ont été créées depuis 2007 et plus de 200 concessions ont été reprises par des villes. « Il y a une forte tendance à la reprise de réseaux gaziers et électriques par les communes, se réjouit son directeur général, Hans-Joachim Reck. Au début de la libéralisation du marché de l'énergie, on annonçait la mort des régies municipales. C'est le contraire qui se produit et le soutien de la population pour un modèle commercial au service de l'intérêt général est énorme. »

T. M., Les Echos


Allemagne : les communes parient sur les énergies renouvelables

Suite à la privatisation du marché de l'énergie dans les années 90, les communes et agglomérations allemandes ont cédé leurs concessions au secteur privé. Les contrats prenant actuellement fin, elles cherchent aujourd'hui à retrouver leur indépendance énergétique en misant sur les énergies renouvelables.

« Depuis 2007, nous assistons à une re-municipalisation, la plus grande dans l’histoire de l’Allemagne, au sein des communes et agglomérations. Plus de 50 régies municipales ont vu le jour lors de ces quatre dernières années et de nombreuses concessions ont été récupérées », se réjouit Stefan Luig, porte-parole de la Fédération des entreprises communales (VKU) à Berlin. Le VKU représente les intérêts de quelque 1400 entreprises municipales qui emploient 220 000 salariés et affichent pour l’année 2008 un chiffre d’affaires de 72 milliards d’euros. C’est la plus grande organisation du genre en Europe. Ces entreprises sont actives dans l’industrie des déchets, de l’eau et du traitement de l’eau, du nettoyage municipal, de la production et fourniture d’énergie. Par ailleurs, 700 régies municipales sont membres du VKU.

L’opinion publique favorable aux énergies renouvelables

Pour expliquer la résurgence et l’importance de ces «Stadtwerke» dans le paysage énergétique allemand, Stefan Luig rappelle la vague de privatisations qui a eu lieu dans le secteur énergétique allemand dans les années 90, après la décision de Bruxelles d’ouvrir ce marché au secteur privé. « Les communes ont craint de ne pouvoir faire face, seules, à une nouvelle concurrence. Elles ont alors ouvert la porte de leurs régies aux entreprises privées. Puis un grand nombre d’entre elles se sont aperçu – malheureusement trop tard – qu’elles avaient non seulement perdu en influence, mais aussi perdu une source importante de revenus », poursuit le porte-parole.

Toutefois, une décennie a suffi pour changer la donne. Berlin s’est entre-temps engagé à réduire ses émissions de 40% par rapport à l’année de référence 1990 d’ici 2020, la sortie du nucléaire est devenue contre toute attente réalité, et l'oligopole des quatre géants de l’énergie résiste tant bien que mal aux pressions exercées par les autorités anti-cartel allemandes et européennes. « Parallèlement, le concept même d’une production et d’une fourniture d’énergie décentralisée, à partir des énergies renouvelables, trouve toujours plus d’adeptes au sein de l’opinion publique allemande », relève encore Stefan Luig.

Intervenant lors d’un colloque sur l’efficacité énergétique à Bonn, Patrick Graichen, responsable au sein du Ministère de l’environnement du département Climat, souligne pour sa part le rôle essentiel des villes et communes dans la lutte contre le réchauffement climatique : sans elles, il serait difficile pour l’Allemagne de remplir ses objectifs climatiques. De fait, elles disposent de plusieurs leviers : elles sont à la fois consommatrices d’énergie et propriétaires de terrains et forêts, à la fois instances administratives de planification urbaine et soutien à l’économie locale. Dans le cadre du programme national de lutte contre le réchauffement climatique, Berlin appuie ainsi 2000 projets climatiques municipaux. Et l’enveloppe pour 2012 s’élève à 75 millions d’euros, selon le ministère.

Initiatives citoyennes contre oligopoles

« Parallèlement, le concept même d’une production et d’une fourniture d’énergie décentralisée, à partir des énergies renouvelables, trouve toujours plus d’adeptes au sein de l’opinion publique allemande », relève encore Stefan Luig. De fait, les ménages allemands n’ont rien vu des bénéfices que la privatisation du marché allemand de l’énergie semblait suggérer au départ. Selon des chiffres de la Fédération des industries de l’énergie et de l’eau, les prix de l’électricité en Allemagne sont passés de 14 centimes par kWh en 2000 à 26 centimes par kWh en 2010. Les dépenses en électricité représentent actuellement 2,2% des dépenses des ménages allemands, dépenses auxquelles il faut ajouter 0,3% destinées au financement des énergies renouvelables, comme le prévoit la loi EEG sur les nouvelles énergies.

Echaudés par des hausses de prix arbitraires, de plus en plus de consommateurs se sont regroupés pour défendre eux-mêmes leurs intérêts. Ils ont ainsi pu fonder leurs propres associations de défense des consommateurs d’énergie, comme c’est le cas avec le Bund der Energievervraucher, créer leurs propres régies municipales comme à Schönau (voir article lié), ou encore orchestrer des campagnes de protestation avec force pétitions et référendums locaux. « Chaque citoyen peut prendre les choses en main, que ce soit en organisant ou en participant à des référendums, des pétitions ou des initiatives populaires. Ces instruments de la démocratie directe permettent de changer les choses en dehors des périodes électorales , insiste Sabine Zimpel, coordinatrice du mouvement «Initiative populaire pour la protection climatique». La fin des concessions est le moment idéal pour développer les filières locales des énergies renouvelables ». Indépendance énergétique, soutient à l’économie locale et amélioration de la qualité de vie des habitants, les élus locaux ont vite fait de saisir les enjeux et de répondre aux attentes de leurs électeurs.

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