Le nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires EPR2 ne concerne pas que ces réacteurs car des investissements farineux vont être nécessaires pour les alimenter en combustibles et pour traiter leurs déchets.
Rappelons que le combustible de ces réacteurs nécessite de l’uranium et que ce minerai vient en totalité de pays étrangers, dont certains sous influence de la Russie (Kazakhstan, Ouzbékistan).
Par ailleurs la société française ORANO vient d’être éjectée du Niger où elle exploitait depuis des dizaines d’années des mines d’uranium.
Contrairement à ce qui est dit, l’énergie nucléaire n’assure pas la souveraineté énergétique de la France.
Si la filière de transformation de l’uranium naturel en combustible nucléaire (concentration chimique et enrichissement) semble suffisante en France, il est tout de même prévu :
– la construction d’une usine pour enrichir l’uranium de retraitement (URE), actuellement fait en Russie ;
– la construction d’une nouvelle usine de production de combustible MOX à La Hague pour une mise en service en 2040.
Par ailleurs, pour réaliser les grosses pièces métalliques des EPR2 (cuve et générateurs de valeur) faites jusqu’à présent au Japon, il est prévu un agrandissement de la forge Framatome du Creusot.
Cependant, les forgés des 6 EPR2 seront encore produits pour bonne part au Japon.
Ce n’est qu’après 2030, pour les éventuels 8 autres EPR2 que tout pourra être fabriqué au Creusot.
Le coût pour l’agrandissement de la forge du Creusot est évalué à 579 millions d’euros hors taxes (source : concertation préalable du 27 mai au 27 juillet 2025).
Pour ce qui est de l’aval du cycle, du fait du maintien d’une production d’électricité nucléaire (prolongation des tous les réacteurs existants et construction de nouveaux réacteurs), il faut prévoir le renouvellement de l’usine ORANO de retraitement des combustibles usés de la Hague.
Les caractéristiques de ce nouveau complexe industriel seraient :
– capacité totale de traitement à terme : équivalente aux capacités actuelles (1200t)
– capacité d’entreposage à terme : 3 bassins de 6 500 t chacun pour répondre aux besoins d’EDF (1 000 t /an) et d’autres clients étrangers (200 t/an), en remplacement des bassins actuels.
– capacité à traiter industriellement les combustibles usés MOX et URE préparant la fermeture du cycle à l’horizon de la fin du siècle.

Par ailleurs, ces nouveaux réacteurs nucléaires vont produire de nombreux déchets radioactifs et il faudra augmenter les capacités de stockage (ou créer de nouveaux sites) :
- du centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (CIRES) : stockage des déchets de très faible activité, regroupement des déchets radioactifs non électronucléaires et entreposage certains de ces déchets qui n’ont pas encore de solution de gestion définitive ;
- du centre de stockage de l’Aube (CSA) : déchets de faible et moyenne activité à vie courte ;
- du projet CIGEO d’enfouissement des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue.
Il est probable aussi qu’il faudra prévoir à terme une extension de l’installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (ICEDA) sur le site du Bugey.
Le projet des trois paires d’EPR2 initialement annoncé pour 51,7 milliards d’euros serait maintenant proche de 100 milliards d’euros.
C’est le coût direct. Mais il y a de nombreux coûts annexes qui sont dissimulés et qui se dévoilent doucement.
C’est le cas de l’atelier de forge du Creusot (579 millions d’euros hors taxes), mais aussi tous les coûts pour organiser l’accueil des EPR2 sur les trois sites envisagés (plusieurs dizaines de millions d’euros pour chaque site) et tous les coûts des usines d’enrichissement, de combustibles MOX, de retraitement ainsi que des piscines d’entreposage de combustibles usés et des extensions des sites de stockage de déchets radioactifs (faible, moyenne et haute activité).
Avec tous ces coûts directs et cachés, on peut estimer que le nouveau programme nucléaire pourrait atteindre les 200 milliards d’euros.
La prise en compte de tous ces coûts pourrait conduire à un MWh à plus de 150 € totalement prohibitif face aux coûts des énergies renouvelables.
À titre d’exemple, en Allemagne, des projets photovoltaïques avec stockage par batterie viennent d’être sélectionnés avec des prix de 50 à 64 €/MWh.
Plutôt que des débats publics (EPR2 de Penly, puis Gravelines, puis Bugey) ou concertations publiques (Forge du Creusot, …) dispersés, il aurait dû être organisé un débat public national sur le lancement d’un nouveau programme nucléaire.