Réacteurs EPR2 (nouveau modèle)

  

La construction des réacteurs EPR, dont celui de Flamanville, a révélé un certain nombre de difficultés et de complexités qui ont entraîné des retards croissants dans leur réalisation.
C’est ainsi qu’est né le concept de l’EPR NM, début 2015, dans la perspective du futur renouvellement du parc français. EDF et AREVA NP, réunis au sein de la société d’ingénierie commune EDVANCE, ont lancé le Basic Design d’un EPR optimisé du point de vue des coûts et de la durée de construction.

En avril 2016, EDF et AREVA NP ont sollicité l’avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) sur les options de sûreté de ce nouveau réacteur EPR d’une puissance de 1 750 MWe.
En janvier 2018, EDF informe l’ASN de son intention de faire évoluer la configuration technique retenue dans le dossier d’options de sûreté du projet de réacteur EPR NM vers une nouvelle configuration technique, appelée EPR 2.

Le réacteur EPR2 est une évolution du réacteur EPR. Les objectifs principaux sont :

  • l’amélioration de la réalisation industrielle : amélioration de la constructibilité, rationalisation et réduction des catalogues de pièces, préfabrication de composants, …
  • l’abaissement des coûts : construction en série et construction par paire sur chaque site,…

  

Ce qui change :

  • suppression de la double enceinte de confinement,
  • ralentisseur de corium au lieu de récupérateur de corium,
  • trois trains de sauvegarde au lieu de quatre,
  • non protection du bâtiment combustible par l’enceinte de confinement,
  • non « bunkerisation » des ouvrages assurant le refroidissement.

  

Le réacteur EPR2 pour être plus économique rogne un peu sur la sûreté de l’EPR.

Ce réacteur est encore en phase de conception.
C’est ainsi que dans le rapport « Travaux relatifs au nouveau nucléaire » publié en février 2022, dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 2019-2028, on peut lire que l’EPR2 est un nouveau modèle de réacteur nucléaire dont la conception a atteint le stade de basic design (Etape intermédiaire dans la conception d’un modèle de réacteur, situé entre les études conceptuelles et les études détaillées).

Il est dit que les études doivent se poursuivre.
De même, l’instruction par l’ASN du dossier de sûreté nucléaire EPR2 se poursuit.
Quant au calendrier prévu par EDF, il est dit : « Ce calendrier repose sur des hypothèses ambitieuses de jalonnement du projet ».

  

Le même rapport parle de coûts incertains :

  • « … EDF a réalisé un chiffrage et un premier calendrier pour la construction de 3 paires d’EPR2 en France, qui ne représentent pas un engagement ferme de l’entreprise … » ;
  • pour 3 paires d’EPR2 (soit 6 réacteurs), le coût serait de 51,7 Md€(2020) en scénario médian et hors coûts de financement ;
  • les coûts pour les paires 2 et 3 sont très dépendants du déroulé de la construction de la première paire ;
  • EDF n’ayant pas remis d’offre engageante et certains sujets restant ouverts avec les autorités de sûreté et de sécurité, le chiffrage du programme comme son calendrier ne peuvent être totalement stabilisés ;
  • le coût actualisé de l’énergie produite par trois paires d’EPR2, à devis et calendriers de construction respectés, dépend principalement du coût moyen pondéré du capital investi pour leur construction.
    Une première estimation de ce coût actualisé qui serait de l’ordre de :
    – 40 €(2020) /MWh pour un coût de capital de 1 %
    – 60 €(2020) MWh pour un coût du capital de 4 %
    – 100 €(2020) /MWh pour un coût du capital de 7 %
  • –  le taux de disponibilité de 88 % retenu pour l’EPR2 est jugé à la fois ambitieux et d’un niveau raisonnable, ce qui est très ambigu.
  • À propos de ces mêmes EPR2, RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » dit :
  • « S’il est vrai que ces niveaux de coûts sont significativement plus élevés que pour les énergies renouvelables, ces références doivent être considérées avec précaution dans la mesure où elles correspondent à des têtes de série. »
  • « … des coûts de construction de l’ordre de 5 500 €/kW pour les premiers réacteurs (soit environ 9 Md€ par tranche EPR en comparaison des 12,4 Md€2015 correspondant à la dernière estimation pour l’EPR de Flamanville), avec une perspective de baisse à 4 700 €/ kW pour des EPR2 de série. »

Cet argument « têtes de série » ne se vérifie pas avec les EPR comme les 5ème et 6ème d’Hinkley-Point et les 7ème et 8ème de Sizewell.

Comme il se devait, la dérive des coûts a commencé.
Le 5 mars 2024, le journal Les Echos annonçait une augmentation de 30 % de la facture prévisionnelle des futurs EPR : « EDF évalue désormais à 67,4 milliards d’euros les coûts de son programme de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires en France. »

Cette information n’a pas été confirmée par EDF et lors des débats publics pour les EPR2 de Gravelines et Bugey, EDF donnait toujours le coût de 51,7 milliards d’euros.

Les coûts consolidés de ces EPR2 et le calendrier devait être communiqué par EDF fin 2024, mais le 20 février 2025, Les Echos annonçaient le report à décembre 2025.

De son côté, l’Usine Nouvelle annonçait le 25 février 2025 que le coût des six futurs EPR2 d’EDF pourrait s’élever jusqu’à 100 milliards d’euros.
Le 23 avril 2025, l’Usine Nouvelle titrait « Lever 100 milliards d’euros pour les EPR2, l’un des trois défis du successeur de Luc Rémont à la tête d’EDF ».

Le 19 juin 2025, lors du Conseil d’Administration d’EDF, le mode de financement des EPR2 a été présenté.
Les grands principes du schéma de financement et de régulation du programme de construction de six réacteurs EPR2 prévoient un prêt de l’État bonifié couvrant 55 % des coûts de construction et un contrat pour différence sur la production nucléaire à un prix maximal de 100 euros (de 2024) par mégawattheure, c’est-à-dire que lorsque EDF vendra son MWh en dessous de 100 euros, la plupart du temps, l’État lui versera la différence (c’est un subventionnement depuis le budget de l’État).

La Cour des Comptes critique les EPR et EPR2

Extraits du rapport :

« En 2020, la Cour recommandait de « calculer la rentabilité prévisionnelle du réacteur de Flamanville 3 et de l’EPR2 et en assurer le suivi » (recommandation n°6).
EDF n’a pas communiqué ces informations, ce qui amène à considérer cette recommandation comme non mise en œuvre.

Les calculs effectués par la Cour aboutissent à une rentabilité médiocre pour Flamanville 3, inférieure au coût moyen pondéré du capital de l’entreprise, sur la base d’un coût total de construction estimé à environ 23,7 Md€(2023) (intérêts intercalaires compris). »

« S’agissant du programme EPR2, sa maturité technique a été jugée encore insuffisante fin 2023 pour envisager le passage de la conception initiale à la conception détaillée. Ayant franchi ce jalon en juillet 2024, il conviendrait, entre autres, de réviser les coûts et délais du programme EPR2 en intégrant les raisons et les conséquences du report de cette échéance.

La rentabilité prévisionnelle du programme EPR2 reste, à ce stade, inconnue, d’autant que les conditions de financement de ce programme ne sont toujours pas arrêtées. Lorsqu’elles le seront, une année supplémentaire (voire davantage) sera nécessaire en vue d’obtenir leur approbation par la Commission européenne.
Ces délais et incertitudes (qui portent également sur le nombre de centrales à construire) réduisent la visibilité dont les acteurs de la filière ont besoin pour s’engager dans les projets industriels de cette ampleur et obtenir des financements. L’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR2.
Les surcoûts de construction et les incertitudes sur la rentabilité des EPR font peser un risque sur l’actionnaire, c’est-à-dire l’État. »

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