Relance du nucléaire en France

  

Jusqu’en 2023, la politique énergétique de la France était régie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 et sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2023 qui prévoyait :

  • la limitation de l’électricité nucléaire à 50 % du mix électrique, initialement prévue pour 2025 mais reporté à 2035,
  • la fermeture de 6 réacteurs d’ici 2028 (dont les 2 de Fessenheim) puis de 8 autres d’ici 2035,
  • l’étude de plusieurs scénarios pour 2050 allant du 100 % énergies renouvelables à un scénario où le nucléaire reste durablement une source de production d’électricité,
  • d’ici 2021, programme de travail sur le coût du nouveau nucléaire et ses avantages et inconvénients.

Les deux réacteurs de Fessenheim ont effectivement été arrêtés et des scénarios ont été étudiés par RTE (Futur énergétique 2050) et l’ADEME (Transition’s’ 2050) et le programme de travail sur le coût du nouveau nucléaire et ses avantages et inconvénients a été lancé.

En reportant à 2035 le mix électrique avec au plus 50 % de nucléaire, en actant la prolongation de 10 à 20 ans des réacteurs nucléaires existants avec seulement 14 réacteurs arrêtés et en développant très modérément les énergies renouvelables, la PPE 2019-2023 laisse planer beaucoup d’incertitudes sur la politique énergétique après 2035.
Le lancement d’un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires semblait s’y dissimuler comme le montre la graphique ci-après :

Cependant, dès 2019, parallèlement à l’adoption de la PPE 2019-2023 (adoptée le 21 avril 2020), le gouvernement s’est intéressé à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
C’est ainsi que le 12 septembre 2019, il adressait à EDF une lettre lui demandant d’évaluer l’état de la filière nucléaire et évoquant six éventuelles centrales EPR à construire, « une hypothèse de travail » qui, a-t-il assuré, ne présageait « en rien des décisions » à venir concernant le secteur.
Ce courrier s’inscrivait dans le processus de travail qui devait permettre d’apporter d’ici mi-2021 tous les éléments nécessaires à une décision éclairée sur l’engagement éventuel d’un programme de construction de réacteurs nucléaires neufs de type EPR2 en France, comme annoncé dans la PPE.
  

Le 8 décembre 2020, au Creusot, le président Macron a parlé de l’avenir du nucléaire et a dit :

  • notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire,
  • l’énergie nucléaire, quand il s’agit de produire de l’électricité non-intermittente tout en respectant et en protégeant le climat, est pertinente, pourvu que l’on progresse sur la gestion des déchets, sur la sûreté,
  • si je n’ai jamais été partisan du tout nucléaire, parce qu’il est nécessaire de ne pas dépendre d’une seule source, je crois et j’ai toujours assumé que si nous devons rééquilibrer notre mix énergétique en réduisant la part du nucléaire, l’atome doit continuer à être un pilier de celui-ci pour les décennies à venir,
  • alors qu’il est très difficile de dire aujourd’hui quelle sera, du nucléaire ou des énergies renouvelables, la meilleure technologie pour remplacer notre parc nucléaire existant en 2035, nous devons donc regarder tout le champ des possibles,
  • c’est pour cela que la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit que le gouvernement conduise avec la filière nucléaire un programme de travail complet nous permettant d’étudier toutes ces options sans aucun tabou,
  • il nous faut dans le même temps nous assurer des conditions d’une prise de décision sur le lancement éventuel d’un programme de construction de nouveaux réacteurs et sur l’EPR2,
  • ce travail d’étude sur la construction de nouveaux réacteurs est indispensable et je souhaite qu’il se poursuive et s’achève dans les prochains mois afin que tous les éléments nécessaires soient disponibles avant la fin du quinquennat,
  • alors, sur la base de ce travail documenté qui sera partagé avec l’ensemble des Français, nous pourrons choisir en connaissance de cause, choisir en parfaite transparence,
  • la décision définitive de construction de nouveaux réacteurs doit être préparée et devra être prise au plus tard en 2023, lorsque Flamanville 3 sera entrée en service,
  • notre avenir environnemental écologique passe donc par le nucléaire avec des scénarios qu’il nous faudra affiner ensemble dans les prochains mois, mais avec des investissements, des études d’ores et déjà lancées, comme je viens de le dire,
  • l’un ne va pas sans l’autre. Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil.

Ce discours est plein d’ambiguïtés. Il veut faire croire que la décision n’est pas prise, mais tout laisse pourtant à penser qu’elle est prise et ceci va très vite se confirmer.
On est très loin du choix en toute transparence annoncé dans ce discours (voir aussi ci-après les vœux pris en décembre 2019, avant ce discours, par le Conseil Départemental de l’Ain et la Communauté de Communes de la Plaine de l’Ain).

En décembre 2020, les sites convoités par l’électricien sont dévoilés : Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Hauts-de-France), et Bugey (Ain) ou Tricastin (Drôme).
En janvier 2021, on apprend qu’EDF a déjà commandé des pièces forgées en vue de la construction de ces nouveaux EPR.

Lors de son allocution télévisée du 9 novembre 2021, M. Macron lance la construction de nouveaux réacteurs : « nous allons pour la première fois depuis des décennies relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays« .

Le 10 février 2022 à Belfort, le président Macron lance ce nouveau programme nucléaire.
Il a choisi seul le scénario le plus nucléarisé de l’étude Futur énergétique 2050 de RTE avec :
   • l’abandon de la fermeture des vieux réacteurs,
   • la construction de 6 EPR2,
   • les études pour 8 autres EPR2 et des petits réacteurs modulaires (SMR).

Après la réélection du président Macron, pour préparer la nouvelle PPE et une nouvelle loi, une concertation publique sur le mix énergétique est lancée en hâte et en catimini du 20 octobre 2022 au 18 janvier 2023.
Elle est suivie, une semaine plus tard, par le débat public sur les nouveaux réacteurs nucléaires et le projet de Penly du 27 octobre 2022 au 23 février 2023.

Un projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, est amendé par les sénateurs pour maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 50 % à l’horizon 2050.

Des « Conseils présidentiels de la politique nucléaire » qui actent des objectifs pour les réacteurs existants et les nouveaux réacteurs, dont celui du vendredi 3 février 2023 qui court-circuite le débat public en cours.

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) 2025 – 2030, qui officialisera les 6 premiers EPR2 prévus à Penly, Gravelines et Bugey, a fait l’objet d’une consultation publique sur ses orientations de novembre à décembre 2023 puis d’une concertation publique du 4 novembre 2024 au 16 décembre 2024.
Une nouvelle consultation publique a été organisée du 7 mars 2025 au 5 avril 2025. Cette PPE devait être publiée par décret sans débat parlementaire.
Finalement un débat est en cours en 2025, et la droite et l’extrême droite veulent beaucoup de nucléaire et quasi plus d’énergies renouvelables.
Des concertations entre le gouvernement et les parlementaires sont encore en cours pour une publication de cette 3ème PPE à l’automne 2025.

Commentaires :

Cette relance de l’énergie nucléaire en France se fait une fois de plus sans débat public sur la politique énergétique de la France.
Avec les études pour 2050 de RTE et de l’Ademe, il y avait de quoi ouvrir un grand débat public très ouvert pour choisir entre les scénarios quasi 100 % énergies renouvelables et ceux avec plus ou moins de nouveau nucléaire. Il n’en a rien été et les pseudos consultations et concertations publiques étaient basées sur des choix préalables faits par le gouvernement et un nouveau programme nucléaire a quasiment été imposé en court-circuitant les débats publics avec des décisions prises par ailleurs.

La politique énergétique française constitue un véritable déni de démocratie

Pourtant, selon le baromètre d’Opinionway « Les français et les énergies renouvelables en 2025 », 98 % des français sont favorables au développement d’une énergie renouvelable pour le chauffage, l’eau chaude et l’électricité.
Téléchargement : https://www.opinion-way.com/wp-content/uploads/2025/02/QUALITENR-RP-CONF_BARO25-MAQUETTE-PREZ-V2-110225.pdf

Selon l’enquête, présentée le 28 mai 2025, par l’IFOP et ENGIE sur ce que veulent « vraiment » les Français en matière d’énergies renouvelables, menée auprès de 12 029 personnes dont plus de 2 500 personnes (21 %) riveraines d’une installation d’énergies renouvelables : 68 % des Français souhaitent une accélération du développement des énergies renouvelables dans les cinq prochaines années et il y a une attente forte, portée par une opinion largement favorable à ces énergies avec 84 % des Français qui en ont une image positive (94 % chez les riverains d’installations).
Téléchargement : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2025/06/Les-Francais-et-les-Energies_compressed.pdf

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