Nucléaire : progrès et défaillances en Rhône-Alpes

L’antenne régionale de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté son rapport sur le “contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection” effectué en 2012 dans différentes installations des régions Rhône-Alpes et Auvergne. Le bilan est mitigé.

Centrale nucléaire du Tricastin ()
Fabrice Caterini

Tout n’est pas tout rose dans les centrales nucléaires de Rhône-Alpes et Auvergne. Ce sont en substance les conclusions de l’Agence de sûreté nucléaire qui présentait le bilan de ses inspections réalisées en 2012, en pleine période “Fukushima”. Au final, les quatre centrales nucléaires EDF de la région Rhône-Alpes nécessitent chacune des “améliorations”, à différents degrés selon les cas. 101 inspections ont été menées par l’ASN sur ces sites en 2012, ainsi que 41 jours d’inspection du travail sur le terrain. Par ailleurs, 220 “événements significatifs” ont été déclarés à l’Autorité la même année.

Centrale du Bugey (45 km de Lyon)

centrale nucléaire du Bugey ()

28 inspections, 47 événements significatifs dont 3 “anomalies” (niveau 1 sur l’échelle Ines*)

centrale nucléaire du Bugey ()

Bilan mitigé pour ce site. L’ASN a noté pour le premier semestre 2012 des progrès en matière de “respect des spécifications techniques d’exploitation”. Le tableau est plus noir pour les six autres mois. Il est notamment précisé que la centrale du Bugey présente des “faiblesses récurrentes concernant la préparation et la réalisation d’essais périodiques ou de certaines activités de maintenance”. Entre autres faits notables :

– une “présence anormale” de tritium a été détectée depuis la mi-octobre 2012 dans les eaux souterraines au droit du site ;

– concernant le réacteur n°2, l’ASN a imposé de nouvelles exigences à EDF, notamment relatives aux cas de séisme et d’inondation, mais aussi des exigences “relatives à la robustesse, en situation accidentelle, du système de refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible usé du réacteur”. Des prescriptions qui ne sont pas sans rappeler le spectre de Fukushima.

Centrale de Saint-Alban (50 km de Lyon)

Saint-Alban ()

22 inspections, 29 événements significatifs dont 3 “anomalies”

centrale de Saint-Alban ()

L’ASN donne à cette installation une “appréciation générale globalement assez satisfaisante”. Les résultats en matière de sûreté nucléaire sont quant à eux “en amélioration [mais] restent fragiles”. L’Autorité a par ailleurs fat plusieurs constats :

– des améliorations sont nécessaires à propos de la “robustesse de la centrale nucléaire de Saint-Alban face aux situations extrêmes”, comme pour la centrale du Bugey. L’ASN a donc là aussi imposé des “prescriptions complémentaires” qui vont en ce sens ;

– d’un point de vue environnemental, le site de Saint-Alban n’est pas rassurant : le système d’“évacuation des eaux pluviales” est décrit comme un équipement non conforme par l’ASN. Conséquence : en l’état, le réseau est susceptible de véhiculer “des liquides toxiques, radioactifs, inflammables, corrosifs ou explosifs”. Impact écologique garanti. EDF est donc mis en demeure par l’ASN et a jusqu’au 7 juin prochain pour palier ce problème.

Centrale de Cruas-Meysse (140 km de Lyon)

centrale de Cruas Meysse ()

25 inspections, 51 événements significatifs dont 9 “anomalies”

centrale de Cruas Meysse ()

Des performances “en retrait” en matière de sécurité nucléaire, c’est le premier constat qu’établit l’ASN à propos du site ardéchois. Dans le texte, cela donne : “L’ASN note en particulier un manque de maîtrise des opérations de maintenance et d’exploitation pendant les phases d’arrêt de réacteur (…). En outre, le redémarrage du réacteur n°4 a été marqué par la déclaration de 7 événements significatifs pour la sûreté, dont trois ont été classés au niveau 1 de l’échelle Ines*, mettant en lumière des insuffisances”. Les constats ne s’arrêtent pas là :

– le site présente des “faiblesses” en matière de protection de l’environnement. L’autorité prend pour exemple le déversement de quelques litres d’huile – “non contaminée” – dans le Rhône le 31 octobre dernier ;

– l’ASN a imposé à EDF de “définir et mettre en place des dispositions permettant de renforcer la maîtrise des opérations de mise en configuration des circuits du réacteur n°4”. Elle pointe à travers cela des problèmes de “coordination” des différents services de la centrale nucléaire appelés à intervenir lors du processus de redémarrage d’un réacteur.

Centrale du Tricastin (175 km de Lyon)

centrale du tricastin ()

26 inspections, 44 événements significatifs dont 10 “anomalies”

centrale du tricastin ()

Pour le site drômois, c’est un bilan mi-figue mi-raisin. En matière de sûreté, la centrale nucléaire est “assez satisfaisante” même si les performances “doivent être notablement améliorées” dans certains domaines. En termes de radioprotection, le site est assez bien vu. Mais, là aussi, des “progrès” sont attendus, notamment une gestion plus “rigoureuse” dans la mise en œuvre des “disposition opérationnelles de radioprotection sur le terrain”. Deux autres points sont abordés :

– la centrale du Tricastin est épinglée pour ce qui concerne la protection de l’environnement, notamment le rejet dans la nature d’“effluents liquides et gazeux” ;

– l’ASN conseille à EDF d’“améliorer notablement sa gestion des essais périodiques et des requalifications des matériels après intervention” pour le site du Tricastin. En cause, 10 événements significatifs déclarés en 2012 à ce sujet. Un chiffre qui n’est pas “représentatif” de la sûreté de la centrale mais qui est “révélateur d’un manque de maîtrise” pour l’ASN.

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